Scénarios catastrophes
Scénarios catastrophes
J’ai quitté Windsor et la maison familiale en 2003. J’avais dix-neuf ans. J’ai emménagé à Montréal, dans un vieux cinq et demie du quartier Centre-Sud, où j’ai fumé trop de drogue et écrit par milliers des pages d’un roman qui n’aboutirait jamais. Bientôt, plus rien n’a eu de sens. Ni mes études, ni mon travail, ni le fait d’être une personne.
Immobile, engourdie, j’attendais de savoir comment agir, que croire, quoi devenir. J’ignorais combien de jours de ma vie je passerais seule, dans cet appartement puis d’autres, à chercher des phrases, à compter les minutes perdues, à anticiper des désastres dans l’espoir qu’ils ne se réalisent pas.
J’ai le sentiment qu’à leur manière ces années ont été importantes, même si les moments signifiants se sont presque tous déroulés dans ma tête. J’essaie de les raconter – les raisonnements circulaires, les perceptions infinitésimales, les obsessions, l’insomnie et la découverte accidentelle du sublime, que j’ai parfois cru apercevoir dans un morceau d’indie rock, une main blessée ou l’étrange noblesse d’une épeire diadème. — Alexie Morin